Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 10, 1922.djvu/203

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Que venez-vous ressusciter ? À quel titre parlez-vous ainsi que vous le faites, dans ma maison ?

CÉCILE.

Dites-moi d’abord à quel titre vous me parlez vous-même ?

DUARD.

J’ai maintenant des droits sur Mademoiselle Dardel.

CÉCILE.

Les miens sont plus anciens. J’ai un droit de priorité et des ordres à dicter.

DUARD.

Quand le passé, sans tache, sans reproche, est chose révolue désormais, pourquoi venez-vous le réveiller ? Il vous a fait souffrir, mais il se fond dans le grand drame universel. Le sacrifice et la mort de Monsieur Bellanger appartiennent à l’histoire de son pays. Ils ne doivent pas avoir d’autre prolongement que le rayonnement de sa gloire et de son exemple.

CÉCILE.

Mais il y a aussi des dettes, des obligations à remplir. Les morts en ont légué la charge à leurs héritiers. Et nous n’avons pas encore donné quittance ! Cette femme ne sera pas la vôtre. Résignez-vous à cela. Je ne le veux pas, entendez-vous.

DUARD.

Madame, il y a là, en bas, gravé dans le marbre, le nom sacré de votre mari. Je m’étonne que vous n’ayez pas réfléchi que ces héros ont fait plus encore que de sauver notre sol de l’invasion ; ils ont donné leur sang pour que la France soit grande après eux, ils ont dicté par leur mort un devoir à tout le pays : ce devoir-là, ce n’est pas de les pleurer, c’est de fonder des foyers, de recréer la vie.