Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 10, 1922.djvu/319

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les siens comme pour son pays, qui vous a arraché votre enfant et vous a atteinte dans votre bonheur, qu’avez-vous fait ?… Vous avez parlé, vous vous êtes plainte… J’ai retenu au passage quelques-unes de ces confidences douloureuses, je m’en suis servi pour dépeindre le bonhomme… et ce ne serait répréhensible à la rigueur que s’il s’agissait d’un livre où le nom même de Dartès serait imprimé… Or, il s’agit ici d’une fiction, d’un personnage composé d’éléments réels, d’une satire moitié farce et moitié larmes !… Allez, ma bonne amie, en paix, en toute paix… Le monde comprendra qu’en m’ayant communiqué quelques documents, et qui ne touchent exclusivement qu’à sa vie privée, vous n’exercez pas une vengeance. Ceux qui vous ont approchée ne peuvent que respecter l’expression d’une douleur sincère, et aussi d’une foi civique qui fait votre honneur de journaliste.

(Il s’arrête, visiblement satisfait de la formule.)
MADAME DARTÈS.

Merci, Gibert !… mais je creuse le fossé plus profond, plus irréparable, entre mon enfant et moi. Il est vrai qu’au point où nous en étions ! Je serais à l’agonie, viendrait-elle seulement à mon chevet ?… Je ne le crois pas !

GIBERT.

Bah ! peut-être un jour ses yeux s’éclaireront-ils ? Attendez quelques années encore… L’heure du châtiment viendra et tout ceci est un admirable dépôt de munitions… (Au moment où Madame Dartès se dirige vers la porte.) Ma chère amie, avant de nous quitter… permettez-moi d’aborder une question matérielle que vous avez toujours eu le tact d’éviter, et à laquelle il faut bien en venir.