Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 10, 1922.djvu/39

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de prendre la parole ou de pousser le cri d’une conscience déchirée.

On peut évaluer maintenant quelle a été la responsabilité de la presse de tous les pays dans la prolongation et dans les erreurs de cette guerre. Elle a instauré ou subi — on n’en peut plus distinguer le départ — la féodalité du mensonge et peut-être la presse est-elle moins responsable qu’on ne le pense, car elle a agi par tâtonnements et plus par suggestion que par intérêt. N’importe ! Elle a eu sa part dans la propagation des erreurs de toutes sortes. Elle a été le plus souvent dans son ensemble la parodie de la guerre. Elle a sophistiqué l’histoire et son soldat, rapetissé la grande résolution douloureuse et mélancolique de l’homme sur toutes les terres où l’on saigne, même celles de l’ennemi. Elle s’est faite marchande de sornettes… Elle n’a pas distingué les grandes directions de la pensée, ni les forces des événements en conflagration. Elle est restée en dehors de l’état d’âme populaire, — qui s’est passé d’elle. Elle est demeurée bureaucratique, sédentairement confinée dans des errements de jadis. Heureusement, il y eut, il y a toujours à sa tête des hommes d’action, des braves lutteurs qui ont fait du bien, des organisateurs et des esprits de pure race. L’ensemble ne constitue pas une force suffisante qui pallie l’effet déconcertant d’une si lourde consommation d’erreurs et de puérilités qui justifieraient à elles seules la réputation de légèreté que nous nous sommes faite à travers les âges ! On a cru qu’à ces masses redevenues les troupeaux des anciens temps, il fallait conférer un idéal collectif énorme, des idoles grossières, des abstractions ingénues. Erreur ! Un sourd travail se produit dans l’Europe, auquel la presse est restée étrangère. Mais la plus grande faute de la presse a été