Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 12, 1922.djvu/161

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empêcher maintenant la rupture de nos deux chairs !… Ah ! qu’un coup de veine nous guérisse, nous délivre de l’affreuse destinée !… J’ai vendu mes deux bracelets, engagé différentes affaires et, avec ce petit magot, je suis allée à la table de baccarat… Tout à coup, ivre du risque, bêtement, comme une folle qui se perd, j’ai lancé sans bien savoir : Banco !… un banco de cinq mille francs… Le banquier, qui m’avait vue vider mes derniers jetons, le croupier aussi, qui me connaissait, ont refusé le banco… « Éclairez ! » C’était une insulte publique !… C’est à ce moment qu’un homme, voyant ma détresse et ma rougeur, a jeté négligemment, en fumant sa cigarette : « Je réponds du jeu de Mademoiselle… » Et il lança l’ordre de donner des jetons ! Une pile de jetons s’amoncelait devant moi… J’avais perdu le banco, est-il besoin de le dire ?… Je vis l’homme allonger les billets… Alors, prise de rage contre la fatalité, pour la réduire à merci, je me suis jetée à corps perdu dans le vertige du jeu… J’ai tenu les coups les plus invraisemblables, je couvrais mon tableau… et toujours le râteau raflait, raflait… Je ne savais plus ce que je faisais… je n’étais plus qu’une bête désespérée qui donne de la tête au hasard… Max, lorsque je n’ai plus rien eu devant moi, quarante-cinq mille francs étaient engloutis !… J’avais perdu quarante-cinq mille francs qui n’étaient pas à moi !… Quand je compris, je me levai et je suis allée m’effondrer dans un coin du jardin… Peu après je me roulais aux pieds de cet homme… Je lui jurais que ma mère rembourserait l’argent…. Il a été compatissant devant ma détresse effroyable… Il l’a comprise… il…

MAX.

Son nom ?