Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 6, 1922.djvu/181

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chose… ce que tu veux dire… Tu veux la sanction terrible de cet aveu, devant ces deux êtres-là ! (Silence.) Eh bien, tu l’auras cette sanction !… Oui, Dianette, sans hésiter, devant eux, en toute franchise, j’affirme de toute la force de mon âme que c’est toi qui es la plus aimée. J’ai fondu ta vie dans la mienne, et devant eux, comme devant la mort même, je dirai plus encore : « Je te garde, et de mon propre consentement, jamais je ne t’abandonnerai !… »

(Il dit cela farouchement, énergiquement, comme s’il fonçait sur l’obstacle dressé devant lui. Après il demeure un instant écrasé de ses propres paroles. Pendant qu’il parlait on a vu le visage des deux femmes exprimer, en même temps, les sentiments opposés. Celui de Diane, qui s’est découvert, est devenu à mesure radieux et comme illuminé de bonheur. Celui de Fanny s’est contracté de la plus effroyable douleur, elle pousse un soupir de détresse plus fort que sa volonté et son corps s’est soulevé de la chaise. Elle retombe.)
DIANE.

Et tu as pu dire ça !… tu as pu dire cela, devant ta femme, devant celle qui suppliait pour ta vie il n’y a qu’un moment ! Faut-il que tu m’aimes ! Après une parole comme celle-là, ah ! il ne me reste plus rien à entendre… (Il y a maintenant une sorte de grande sérénité répandue sur elle.) Madame, ne baissez pas la tête, j’ai été cruelle, atroce, mais je vais vous le rendre… C’était pour vous le rendre !… (Elle pousse tout à coup un cri.) Regardez… regardez… à cette porte… Regardez, mais regardez donc… dans la chambre.

(Fanny, Gaston et Armaury se retournent instinctivement et s’avancent vers la porte de la chambre restée ouverte que désigne Diane du doigt. Diane a un mouvement de retraite habile.)