Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 7, 1922.djvu/272

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OSTERWOOD.

Et elle vient d’oser cela avec cette espèce d’enfantillage touchant qui fait d’elle une divine barbare… Quand nous la reverrons, pas un mot du rêve que nous venons d’avoir. Évitons de la blesser d’une phrase qui ne traduirait pas le respect que nous éprouvons…

(Murmures : « La voilà ! » Thyra franchit la grille. Elle ne porte plus la même robe de tout à l’heure. Elle est vêtue hâtivement d’une sorte de péplum à peine accroché, les cheveux défaits, la tête rejetée en arrière. Elle avance, sans regarder personne, vers la table, les bras obstinément sur les yeux, pleine de honte maintenant et de gêne, puis elle s’abat sur la table, secouée de sanglots. On s’empresse autour d’elle : « Qu’y a-t-il ?… Qu’avez-vous ?… Thyra, ma petite Thyra ?… »)
THYRA.

Rien ! rien ! laissez-moi… Laissez-moi… Ne me parlez pas, surtout… Vous me feriez mal !… Oh ! ce soir !… je souffre… c’est douloureux !… (Elle se redresse.) Maintenant, de la musique ! de la musique !… et de la lumière ! (Elle appelle.) Yoro !… Pignatelli !… De la musique !… (Lignières soulève la tapisserie, et transmet l’ordre. On redonne toute l’électricité et le nouvel orchestre attaque un air vibrant et fort.) La musique ! Mes amis ! comme je l’ai aimée !… comme nous l’avons aimée, Philippe et moi !… Oh ! même la musique des paroles… m’en serai-je grisée ?… La joie des mots !… J’ai joué avec eux comme avec des pierreries !… Quand je mourrai, je voudrais que mon mausolée fût rempli de belles sculptures… comme celles que je n’ai pas pu réaliser… Je voudrais avoir une chapelle à Paris, entourée de fleurs, dans un endroit très apparent et, à chaque anniversaire, j’aimerais qu’on y fit chanter des messes de Pergo-