Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 8, 1922.djvu/150

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sale qui va t’étonner par sa brusquerie. Mais ne me pose aucune question !… Malgré l’envie que nous avons l’un et l’autre de demeurer ensemble dans cet instant, je vais te demander de rentrer chez toi, immédiatement, sans tarder, de me laisser seul ici. Il ne faut pas que je laisse passer cette minute, je dis cette minute et pas une autre. Qui sait même s’il n’est pas trop tard !

LIANE.

Quelle idée t’a traversé l’esprit ?… Nous sommes de grands naïfs, va, toi et moi !

MAURICE.

Pas un mot là-dessus, maman… plus tard, plus tard. Sois sûre en tout cas que je ne vais plus avoir qu’une pensée fixe : toi, toi seule. Mais, dans ton intérêt même, il faut que tu me laisses immédiatement. Je vois que ma décision, mon ton d’autorité subite te suffoquent… Mais accepte-le tel quel… Compte sur moi… désormais. Tu vas te calfeutrer dans ta chambre, tu vas pleurer tout ton saoul, tu vas remuer tous les mauvais souvenirs que tu voudras, mais tu ne bougeras pas de chez toi, et demain, demain, aussitôt après le déjeuner, je viendrai, et alors nous causerons utilement…

(Il prend le manteau de fourrure.)
LIANE.

À ton tour, tu radotes, Maurice !… Je n’interroge pas ta folie… Mais rien que de t’entendre parler, avec tes yeux clairs et ta voix sérieuse, tu me donnes un peu d’apaisement. Ah ! il n’y a que la jeunesse ou l’enfance pour vous communiquer un pouvoir d’illusion pareil ! (Elle se laisse aller contre son épaule, suppliante.) Tout, mais