Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 8, 1922.djvu/346

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

là !… En route ! En route ! Mais pour l’instant, machine arrière !

(Émilie sort par la chambre.)
HONORINE, (seule.)

(Restée seule, elle va fermer les portes à clef, pose le carton sur la petite table basse près de la chaise longue. Son visage exprime la satisfaction sentimentale et bébête des courtisanes devant le souvenir. Elle s’installe à côté, l’ouvre, en sort quelques accessoires de cotillon, elle fouille encore et en retire un gant ; elle le déplie, l’étire, le porte à son visage et, les yeux clos, elle respire longuement, profondément. Elle se délecte de cette bimbeloterie sentimentale.) Ma jeunesse…

(À ce moment la porte du couloir remue. On essaie visiblement de l’ouvrir. Honorine assise à terre ne bouge pas.)
LA VOIX D’HENRIETTE.

Tu as fermé… Je sais que tu es là… Je pourrais passer par ta chambre, mais puisque tu veux être seule, je m’en vais… Je voulais te dire que c’était entendu. Tu peux dormir tranquille maintenant. Je renonce à mon bonheur. Je m’en irai d’ici par exemple… Je vivrai seule, comme je pourrai… à l’étranger… Dors tranquille, va… Tu as tué ma jeunesse… Adieu !

(La voix et les pas s’éloignent.)
HONORINE, (répétant, les lèvres tremblantes.)

Ma jeunesse !


RIDEAU