Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 9, 1922.djvu/154

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BLONDEL.

Ce n’est pas vrai !… Ton devoir était de me crier casse-cou ! et tu m’as poussé… J’ai encore tes paroles dans l’oreille !… Ton devoir était de me crier, à moi, vos amours…

BOUGUET, (lui prenant le bras avec énergie.)

Écoute, Blondel, écoute bien ceci, car c’est la vérité suprême… Je n’ai jamais aimé Edwige…

BLONDEL.

Continue ton œuvre de mensonge !… Achève !

BOUGUET.

Tout ce que j’ai de pouvoir affectueux n’a jamais appartenu, n’appartiendra jamais qu’à ma femme !

BLONDEL.

Tu mens ! tu mens !

BOUGUET.

Je ne mâcherai pas les mots. Qu’était cette petite quand elle est entrée à la maison, il y a quelques années ?… Tu t’en souviens ? Tu étais toi-même à mille lieues de supposer qu’un jour tu l’aimerais. Nous la considérions tous comme une petite subalterne de mon service. Elle s’enthousiasma pour le maître. Un soir, une heure, pas autre chose, ma camaraderie pour elle s’est brusquement transformée en le plus banal et le plus fugace des désirs !… Et puis la vie s’est refermée et a repris son cours.

BLONDEL, (à voix basse, les poings serrés.)

Si tu m’avais crié il y a deux mois un pareil aveu, je n’en serais pas à ce désastre.

BOUGUET, (revivant le passé phrase à phrase.)

Je ne le pouvais pas, je t’assure, je l’affirme !