Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 9, 1922.djvu/366

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vous en ai donné l’espoir !… Il n’a jamais été question que nous pussions un jour nous réunir, ni que je doive vous appartenir !… Vous m’aviez promis de ne plus faire qu’un seul effort, celui d’aimer votre femme !… Pourquoi abusiez-vous de ma crédulité ?… À quoi donc vouliez-vous m’amener ?… Comment, vous saviez que cette femme possédait des armes aussi terribles et vous ne m’avertissiez pas du danger ! C’était votre devoir… Vous avez mal agi !…

JULIEN.

Et si je vous disais maintenant que depuis un an, depuis l’époque où je vous ai retrouvée, cent fois j’aurais rompu, si la crainte pour vous de ce qui vient de se réaliser, ne m’avait toujours fait capituler ! Comprenez maintenant la raison de ma lâcheté apparente !… Ah ! mais, tant pis, je n’en pouvais plus ! Tant pis si j’ai secoué le joug ce matin, ou plutôt, tant mieux ! Voyez-vous, dans la vie il y a toujours un être, un être vulgaire, généralement une femme, qui surgit au milieu d’existences tourmentées, et, d’une lettre dévoilée, d’un mot, déclanche un drame effroyable. Seulement, cet être vague déclanche aussi des événements supérieurs, graves, tragiques, que toutes les consciences en jeu n’avaient pas la force d’appeler à leur secours. Frédérique, malgré tout et malgré nous-mêmes, nous touchons au but !

FRÉDÉRIQUE.

Non, cela ne sera pas… ! En ce moment, il y a dans une voiture quelqu’un qui serre les poings et son cœur bat ! bat !… quelqu’un qui voudrait déjà être là… qui va monter l’escalier… qui va… (D’épouvante elle ferme les yeux.)