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invraisemblables. Le directeur de l’Opéra-Comique redoutait le sujet de l’œuvre qu’il avait reçue et il ne fallut pas moins de dix ans pour que la Lépreuse dans sa forme musicale fut représentée. Encore eûmes-nous les honneurs d’une interpellation à la Chambre. Cette séance où le député Levraud reprochait au directeur d’un théâtre subventionné de ne pas jouer une pièce qu’il avait reçue, mériterait de rester célèbre parmi les annales parlementaires. Jamais bêtise épaisse et béotienne, rire stupide, d’une assemblée ne s’en donnèrent plus à cœur joie ! il suffit de lire l’Officiel de l’époque [1] pour s’en rendre compte. Je ne puis naturellement tout citer, mais quelques lignes suffiront pour édifier le lecteur sur ce que fut cette inénarrable curée, sous les voûtes où se réunissent pour le grand bien du pays, ces politiciens de village [2].

Pour ne point faire perdre de l’intérêt aux représentations futures de l’œuvre de Lazzari, je ne son-

  1. Séance du 14 février 1906
  2. M. Jumal. — Lorsque M. Carré a eu le livret de la Lépreuse entre les mains, il a déclaré qu’il lui était absolument impossible de le jouer…

    M. Levraud. — C’est inexact. Il a pris les engagements les plus formels.

    M. Jumel. — …qu’il ne pouvait pas représenter une pareille pièce à l’Opéra-Comique. Il me paraîtrait absolument impossible, en effet, de mettre une pareille pièce à la scène de l’Opéra-Comique, ce rendez-vous, chacun le sait, de toutes les jeunes filles, ce dernier salon où l’on cause et où l’on fait des mariages.

    (Journal Officiel, 15 Février 1906.)