Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 11, 1922.djvu/27

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CONSUELITO.

Expliquez.

L’HOMME.

Tout à l’heure… au lit !… Viens, bien-aimée !… Ton corps adorable et presque nu semble une gerbe d’eau lumineuse… Regarde, les lucioles envahissent les orangers et tournent autour des jets d’eau !… Oh ! les rossignols, comme ils te parlent ! Viens… Sommes-nous obligés de passer sous ce clair de lune éclaboussant ?… C’est imprudent !…

CONSUELITO.

Vous vous tiendrez derrière moi… Ce sera comme à l’église, quand je vous écoutais marcher, presque dans les plis de ma traîne !… Imaginez qu’au commencement de la messe, mon amie Isabelle m’avait dit à brûle-pourpoint : « Don Juan est là, à quatre rangs derrière toi !… » Don Juan ! ce nom… ce nom fatal !… Don Juan est dans la ville !… Je ne vous avais jamais vu !… Je ne soupçonnais même pas comment vous pouviez être fait… Mais votre renommée était venue jusqu’à moi !… Les aventures trop célèbres, les tragédies et les farces, les confidences de Dona Elvire que je rencontrai un jour au parloir du couvent… tout cela me revenait en mémoire. J’étais troublée au delà de toute expression. Don Juan est là, derrière moi !… Mes yeux, par décence et par crainte conjugale, n’osaient se détourner du livre de messe, mais mon dos se sentait invinciblement attiré !… Je palpitais d’aise !… À l’offertoire, je me suis retournée. À l’évangile, j’ai subi votre regard. Alors j’ai murmuré : « C’est lui !… » et je vous ai appartenu dès cet instant !… Don Juan, vous pouvez calculer quel fut mon émoi quand, à la sortie, je constatai que vous