Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 12, 1922.djvu/218

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JESSIE.

Ah ! Dieu, non, jamais !… Demain matin, je serai partie de ces lieux atroces où tout est souvenir. Je ne supporterais pas, en ce moment, même la présence de ma mère. Non… Une auberge, loin… à la campagne… Je verrai des champs… du silence.

CHAVRES.

Mais vous mourrez de tristesse dans cette atmosphère minable ! Ce qu’il vous faut, je le crois sincèrement, c’est en effet la solitude, seulement plus chaude, plus douée de vie et de réconfort. Je connais l’endroit exact qui vous convient… Il y a, à quarante kilomètres d’ici, une maison spacieuse dans un grand parc où des domestiques demeureront, tout en vous servant avec empressement, respectueux de votre silence. Personne d’autre que vous n’en franchira les murs… Vous resterez là le temps que vous voudrez, entourée seulement d’objets d’art et de lumière… C’est è Chantilly, route de la Morlaye…

JESSIE, (vivement.)

Merci de la pensée… Je refuse cette aide-là.

CHAVRES.

Jessie, comprenez-moi bien… Je vous offre cette cure de solitude sans l’ombre d’une arrière-pensée… et parce que, si vous voulez bien l’accepter, vous en tirerez un peu de paix !… Jamais vous n’entendrez parler de moi, jamais ! Je respecterai votre retraite absolue. On me donnera de vos nouvelles, et si, à la longue, elles ne sont pas trop mauvaises, vous ne savez pas la joie que j’en éprouverai… Je vous supplie d’accepter sans crainte aucune… Je vous donne ma parole que