Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 12, 1922.djvu/294

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prend son petit sac, sur le bureau.) Il avait quelque chose à te dire ! Il te l’a dit, Gabriel !… Quoi ?… je n’en sais rien ! mais tu vas être fixé là-dessus… Voilà pourquoi aussi je voulais te voir au lieu de t’écrire ! Je voulais te remettre ça !… Avant son départ, il avait classé quelques papiers et, bien en évidence dans un tiroir, il y avait cette lettre… La voici… À mon père, si je ne reviens pas. Prends…

(Elle la lui tend. Il la décachette avec émotion, il lit. Des contractions de tout le visage indiquent l’angoisse intérieure.)
LEVASSEUR.

C’est simple… c’est très beau !… Un grand cœur, celui qui a pu écrire ces paroles mesurées, si dignes et si simples, si naturelles ! Lis… Comme c’est beau !

(Il lui tend la lettre. Elle lit en pleurant.)
JEANNE, (regardant Levasseur.)

Ah ! je le reconnais bien là !… Oui, c’est bien ce que je pensais qu’il t’avait écrit… des mots d’adieu : Mon père, je ne vous ai pas assez connu pour vous dire ici un adieu… Tiens, reprends ça… dépêche-toi… J’aime mieux ne pas lire, ça me fait trop de mal !

LEVASSEUR, (timidement, il embrasse la lettre. Il la place dans son portefeuille. Un silence.)

Jeanne, tu sais que je réservais une dot à cet enfant. Cet argent sera reporté immédiatement sur ta tête. J’entends que tu vives dans le plus large confort. Si tu persistes à travailler pour occuper tes heures douloureuses, je tiens au moins à ce que…