Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 12, 1922.djvu/320

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que je peux, non pas pour égaler ton autre enfant, c’est difficile, mais pour que tu n’aies pas trop à souffrir de la comparaison, quand tu penseras à eux deux.

LEVASSEUR.

Tout de même, la vie s’équilibre… On a beau s’évader, rompre la chaîne humaine, les anneaux se reforment, malgré tout, derrière vous, puisque, tu le vois, le sacrifice qu’un être a fait réagit de loin sur son frère inconnu… et le joint à lui dans ma tendresse…

(On entend la voix de Madame Levasseur.)
MADAME LEVASSEUR, (au dehors.)

Oui, servez… On vous a dit à midi précis !

LEVASSEUR, (effrayé tout à coup et changeant de ton.)

Sapristi, ta mère dans la salle à manger !… Je n’y pensais plus.

(Il remet la photo dans son portefeuille.)
PHILIPPE.

Et compte qu’un tel secret ne peut pas nous échapper !

LEVASSEUR.

Bien entendu… Mais il faudra bien qu’elle connaisse la décision ! et alors !… Je vois d’ici de quel enfer journalier je paierai cette métamorphose !… Ah ! il est toujours facile de conseiller la vaillance aux autres… Moi non plus, je ne suis pas un héros, Philippe… Et devenir un héros domestique à mon âge, quand on est de ma classe, ce n’est fichtre pas commode !

PHILIPPE, (souriant.)

Pauvre papa !