Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 12, 1922.djvu/356

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LEVASSEUR.

Ah ! ne raillez pas. Je vous jure que vous n’en aurez plus l’occasion jamais.

PAUL.

Et puis, si vous vous êtes monté le bourrichon sur mon héroïsme, vous avez déraillé un peu, savez-vous. Tel que vous me voyez, j’ai eu des frousses terribles dans la tranchée. J’ai coupé au truc, comme on dit, et quelquefois salement !

LEVASSEUR.

Qu’est-ce que ça prouve ! La lettre que vous m’avez adressée était purement admirable !…

PAUL.

Oh ! quand on part, on écrit avec le style des autres… On a le cœur qui bat… alors, en avant les grandes phrases… Oui… Mais après quatre ans de guerre et d’endurance, nous disions simplement : « Mon vieux, on y va… ?»

LEVASSEUR.

C’est aussi beau et c’est la même chose… Vous voyez bien que lorsqu’on vous a chargé d’une mission où vous risquiez votre vie, vous n’avez pas hésité…

PAUL.

Si, j’ai hésité… Ah ! pour sûr que j’ai hésité !… C’est commode à dire… « Vous n’avez pas hésité ! » Et rudement encore !… Puis, tout à coup, Andrieux m’a poussé le coude, il m’a dit : « Viens donc, va ! » Je suis parti. Allez, allez ! ne nous montons pas le coup. Vous avez devant vous un homme qui a fait ce qu’il devait faire, ni plus ni