Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 12, 1922.djvu/96

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CHAVRES.

Ah ! femme ou enfant, vous êtes créée pour aspirer la vie à pleins poumons !

JESSIE, (étirant les bras.)

C’est à dire que je dois avoir quelques petites dispositions au bonheur !… Oh ! dites… rendez-moi heureuse !… J’en ai tant envie !

CHAVRES.

Soyez tranquille… J’ai mission de vous éveiller toute, de réaliser vos aspirations… Mais vous avez donc été déjà malheureuse ? À quel âge ?

JESSIE.

Ne pas être heureux, pour les uns, c’est un état supportable… mais pour d’autres…

CHAVRES.

Ah ! c’est vrai ; la religion en a fait le Purgatoire…

JESSIE.

Vous non plus, vous n’avez pas l’air plus heureux que ça, vous savez ? On lit dans vos yeux de la solitude… Laquelle ? Celle des égoïstes, naturellement.

CHAVRES.

Non, Jessie, la plus amère de toutes, peut-être… celle des voluptueux repentants !

JESSIE, (le mot, l’approche des lèvres, l’haleine du désir, la font un peu instinctivement reculer sur son fauteuil.)

Ah !

CHAVRES.

Déjà à mon déclin, j’ai l’impression d’être un vieux jouet houleux, d’avoir perdu ma vie, et je me reprends à espérer comme dans l’adolescence…