Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 12, 1922.djvu/98

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son… Il ne faut jamais me faire réfléchir, moi !… Ce que j’éprouve est assez compréhensible, n’est-ce pas ? Je pense… je pense à ma jeunesse avec ce qu’elle a eu de bon et de mauvais… à mon enfance qui finit ce soir.

CHAVRES.

Impression, impression… voilà tout.

JESSIE.

Oui… une impression. C’est comme si on délaissait des êtres jusque-là chéris, malgré leurs défauts… des choses aussi… des amis qui vous diraient de loin : « Qu’est-ce que tu fais là, ma petite ? » C’est comme s’il y avait quelque part, en ce moment, des yeux rouges qui pleurent derrière un arbre, dans un jardin… là bas…

CHAVRES.

Jessie, ne soyez pas inquiète. J’ai causé avec votre maman… Elle était calme, rassurée.

JESSIE.

Oui… maman… elle ! Que voulez vous ? Je suis à la fois ici et là-bas. Je vous regarde et, en même temps, je songe à la soirée qui vient de se terminer là-bas… sous les tilleuls et les acacias de la terrasse… Ils jouent aux cartes… On a allumé la lampe… les papillons tournent…

(Elle a le regard posé dans le vague, les doigts, machinalement, font tinter le cristal d’un verre.)
CHAVRES.

Ce que vous éprouvez de si fort et de lancinant est une angoisse connue, l’angoisse nuptiale… Laissez-vous aller, fermez les yeux, ne pensez