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Scène VII


NEKLUDOFF. NIKHINE

NEKLUDOFF, à Nikhine.

Eh bien, qu’en dites-vous, Nikhine ? L’histoire vous plaît-elle ? Moi, un homme du monde, avec qui la jeune fille la plus aristocratique eût été heureuse de se marier, je quitte Missy, mon rang, ma vie… je m’offre à suivre, que dis-je, à vivre avec cette créature… et elle, pendant ce temps, ne pouvant attendre, s’amuse à faire des siennes avec un infirmier !… Et il faut supporter le ricanement gouailleur de ces gens !… et pendant que cet homme me lançait la nouvelle à bout portant, je me suis senti rougir de honte comme un misérable à la porte du vice qu’il ne peut quitter… Hein ? a-t-elle été assez ridicule ma joie, à la pensée d’un soi-disant changement dans l’âme de cette fille ?… Ainsi donc, même ses larmes, même ses reproches de tous les jours qui me semblaient avoir au moins quelque farouche beauté, comédie !… comédie de fille perverse, qui flaire l’homme et son profit. Et maintenant que dois-je faire ? Sa conduite ne me délivre-t-elle pas de tout lien ?

NIKHINE.

Je crois qu’en abandonnant la Maslowa, ce n’est pas elle que vous punirez, mais vous… et c’est plus grave.

NEKLUDOFF.

Ah ! c’est vous qui m’exhortez maintenant !…