Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 3, 1922.djvu/186

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moi… seulement, quoique de race ennemie l’un et l’autre, je tiens à vous dire encore ceci : je ne vous hais pas.

NEKLUDOFF, souriant avec hauteur.

Je vous remercie… vous êtes bien aimable.

SIMONSON, simplement.

Non, je ne vous hais pas… Au fond, malgré moi, j'estime ce que vous faites… C’est peut-être tout ce que les gens comme vous peuvent faire sur la terre !… Quant à Catherine (Mouvement de Nekludoff.) si, si… il faut que vous sachiez… ne croyez pas que je sois amoureux d’elle… Je l’aime, voyez-vous, comme j’aimerais une sœur, une amie qui aurait beaucoup souffert, et que je voudrais consoler ; je ne désire rien d’elle, rien que pouvoir lui venir en aide, adoucir sa vie… Si elle consent, et si elle n’obtenait pas sa grâce, je demanderais à être envoyé dans la ville où elle finirait sa peine… oh ! ce sera vite passé !… je vivrai près d’elle et peut-être parviendrai-je à lui rendre la vie moins dure, à lui donner un peu de repos… j’essaierai… (il s’essuie les yeux.) Je vous demande pardon… il y a vingt ans que je n’ai pas pleuré.

(Un silence.)
NEKLUDOFF, après avoir réfléchi.

Que puis-je vous dire ?… Je suis heureux qu’elle ait trouvé un défenseur tel que vous.