Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 3, 1922.djvu/360

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mi… Son bon sommeil de vingt ans a été plus fort que tout !…

(Elle le contemple, un sourire triste aux lèvres. Il dort, calme, la bouche entr’ouverte. Et le violon de miss Deacon joue toujours, au jond du jardin derrière les orangers, un nocturne de Chopin poncif et passionné… La lune monte… Des étoiles bougent…)


(Alors Irène, lentement, sans bruit, se lève. Elle va se placer sous la lumière d’une lampe… Du livre où elle l’avait cachée elle sort la lettre que tout à l’heure elle avait montrée à Mme Ledoux ; elle en ôte l’enveloppe. Elle pleure.)
IRÈNE, (lisant.)

Adieu, mon enfant… Que la vie te soit belle et heureuse !… Je t’ai écrit cela pendant que j’en avais encore la force… Adieu, ma lumière, adieu, mon grand amour. Oh ! que le bonheur t’accompagne, chaque jour plus pur, comme j’aurais voulu t’accompagner moi-même… longtemps !… Vois-tu, il vaut mieux que je sois partie… Seulement, mon enfant, mon pauvre petiot… que je ne verrai plus jamais… lorsque, plus tard… tu te rappelleras Colibri… lorsque…

(Et elle continue, ainsi, de lire, durant qu’il dort, et que le violon chante, chante, dans le silence, là-bas, derrière les orangers, son air poncif et passionné.)

RIDEAU