Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 4, 1922.djvu/133

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GRÂCE.

Une pensée… (Silence.) Écoutez… Jusqu’à quand cela va-t-il durer ? Ce n’est plus une maison, c’est une féerie. Je n’éprouve pas un désir qu’il ne soit immédiatement réalisé… Je ne peux pas avoir soif ni chaud… Je n’ose même plus émettre un souhait en moi-même, sûre qu’une présence invisible va le deviner à l’instant… C’est insupportable.

LECHÂTELIER, (jouant l’étonnement.)

Je ne comprends pas ce que vous voulez dire… Quoi ?…

GRÂCE.

Oui, beau masque !… Tout se réalise par enchantement, tout est ouaté sous mes pas… Je suis surveillée, épiée, même par vos domestiques…

LECHÂTELIER.

Vous dites ?… C’est surprenant. Vous devez faire erreur…

GRÂCE.

Oui, jusqu’à votre fidèle et dévoué François… votre domestique du temps que vous étiez garçon, je sais… que vous avez secrètement chargé de ma personne, avec ordre de devancer mes moindres inquiétudes… Je suis comme une reine des colonies en voyage officiel.

LECHÂTELIER.

Ma parole, je ne comprends pas un mot à ce que vous dites…

GRÂCE.

Sur ma table, tous les soirs, en me couchant,