Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 4, 1922.djvu/245

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SAINT-VAST.

Où ? chez Barbe-Bleue ?

ROSINE.

Au thé du boulevard Haussmann. (Silence glacial. Saint-Vast sourit.) Dieu ! que c’est bête, ce que je fais là ! Voyez, je suis toute tremblante, je ne sais plus enlever les épingles de mon chapeau.

SAINT-VAST.

C’est délicieux.

ROSINE.

Je ne trouve pas du tout !… (Il s’approche, l’aide à enlever son chapeau, et lui met les lèvres dans le cou.) Non !… non !… laissez-moi ! Allez-vous-en !… (Puis elle se laisse aller. Il la serre longuement.) Oh ! je suis folle ! je suis folle ! Qu’est-ce qui nous prend ? C’est terrible !… Mais que se passe-t-il donc ?… Je me suis sentie perdue tout de suite !… Depuis hier, je ne pense qu’à vous ! Il me fallait vous parler à tout prix !

SAINT-VAST.

Je le sentais ! je le devinais… Tout le temps de la promenade, vous étiez agitée et silencieuse.

ROSINE.

Nos yeux se sont compris tout de suite, n’est-ce pas ? Hier déjà…

SAINT-VAST.

Je veux les baiser, vos yeux. (Il promène ses lèvres sur ses yeux.) Oh ! comme vous avez les paupières douces… douces…

(Il la cale par la taille dans ses coudes et la regarde en souriant.)