Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 6, 1922.djvu/155

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ARMAURY.

Si je les aime !… Ce corps-là, cette chair de fleur, c’est toute ma récompense, tout mon but ! Ah ! ta joyeuse impudicité, et cette espèce de candeur douce d’enfant, sans notion de soi-même… (Il la prend sur ses genoux.) Quelle fraîcheur que ton amour ! Quel jeune camarade ! J’ai tellement peur de te désillusionner, Diane ! Tu te faisais peut-être une toute autre idée de l’amour ?…

DIANE.

Oh ! non, mon pauvre Marcel ! L’amour, l’amour… je n’en attendais pas tant ! C’est un tel prodige !… C’est comme si on était parti sur une petite rivière, et puis… on se trouve en plein océan…

ARMAURY.

N’importe, le mot n’est-il pas plus grand que la chose, mon mignon ? La splendeur du mot nous cache le désastre… Ainsi, quand le clairon résonne, il fait se dresser devant nous tout de suite l’idée de la victoire et pas celle de la défaite… et pourtant, au bout qu’est-ce qu’il y a ?

DIANE.

Mon chéri, nous sommes deux pauvres petits cocos ; on ne nous fera pas de mal, et nous vaincrons.

ARMAURY.

Oui, oui, il faut vaincre ! Ce serait trop bête !… Ah ! on va voir, on va voir !… Dans deux jours, nous commençons par déguerpir en Écosse, ou bien veux-tu aller à Liverpool ? Ce n’est pas mal, Liverpool, autant qu’il me souvient…

DIANE.

À quoi bon changer ? S’ils doivent nous suivre,