Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 7, 1922.djvu/38

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qui sont attachés au souvenir de mes premiers essais. J’ai plaisir à rappeler ici ceux de Catulle Mendès, de Mühlfeld, de Nozière, de Jean Lorrain, entre autres, qui, dès la première heure, me défendirent, me suivirent et m’encouragèrent. L’idée saugrenue ne me vient donc pas de prétendre, après une déjà longue carrière, que je sois un méconnu et que des éloges ne m’aient pas été prodigués au delà même de ce que je méritais. Mais ce n’est pas la vanité seule qui nous incite à écrire des œuvres sincères dont la portée nous intéresse parfois plus que le résultat effectif… La douleur, l’émotion, la joie, la dure ou mélancolique expérience nous poussent à regarder au delà de nos propres pensées comme à travers des cristaux colorés. C’est le mirage créateur. Ce que l’on veut dire est parfois plus important que ce que l’on dit. Le dessein d’un ouvrage est quelquefois la préoccupation supérieure qui plane au-dessus de toutes les autres, et nous souffrons plus de voir méconnaître nos intentions artistiques, probes et désintéressées, que nos productions elles-mêmes.

Or, jusque dans les éloges, la critique, depuis quinze ans, n’a jamais cessé, à de rares exceptions près, de s’inscrire contre le sens de mes ouvrages, d’incriminer leur morale ; je peux même dire qu’elle n’a jamais cessé de les flétrir devant l’opinion publique, tout en en reconnaissant le talent ou la réussite. Elle n’a pas cessé de les inculper et de les écraser de charges dont elles étaient indemnes. C’est la critique qui, dès mes débuts, s’est interposée entre le public et elles, qui, dès la première représentation de chacune d’entre elles, a volontairement placé, entre la scène et la foule, cette espèce de voile susceptible d’inquiéter