Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 8, 1922.djvu/124

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MAURICE, (grave à son tour.)

Ah ! oui, leurs enfants… Comme c’est vrai !

(Il soupire.)
NELLIE.

Ne pas penser à vous ! Mais j’en avais toutes les raisons ! Mais votre mère n’a-t-elle pas été tout de suite l’ennemie, celle qui prenait la place de ma mère à moi… l’étrangère… là-bas, de l’autre côté de la rue… Est-ce que je n’avais pas les yeux toujours fixés sur cet intérieur ? C’est à votre mère que j’ai dû peu à peu l’abandon de papa… toutes mes solitudes d’enfant… avec mes bonnes…

MAURICE.

Et moi, c’est à votre père que j’ai dû les miennes !

NELLIE.

Avec ça que la première fois que nous nous sommes vraiment rencontrés… avant que je vous écrive… un jour, sur le trottoir où Raymond, qui vous accompagnait, a abordé ma femme de chambre… avec ça que nous ne sommes pas restés rougissants, émus et que nous ne nous sommes pas dit : « C’est nous, nous v’là ! »

MAURICE.

Bah ! Croyez-vous ?…

NELLIE.

Mais oui… Et la meilleure preuve c’est que vous avez baissé les yeux pour que je vous regarde et qu’immédiatement après j’ai baissé les miens, pour que vous puissiez me regarder… (Et elle baisse encore les yeux ; il la regarde.) Et au fond, c’est très naturel que nous soyons là à nous parler ainsi, à nous raconter un peu notre vie der-