Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 8, 1922.djvu/137

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la tête contre des chimère» ! Ne refais donc pas ta vie : tu as tout exprimé, tu as tout dit et il a tout compris… C’est un formidable égoïste… Il y a longtemps qu’il devait chercher les moyens de te plaquer…

LIANE.

Ah ! oui, c’est vrai ! Tu as raison. Maintenant, tout me revient… Tant qu’on n’a pas trouvé la clef de l’individu, n’est-ce pas, on interprète très mal… Oui, oui, oui, oui… Mardi dernier… ce qu’il m’a dit, là-bas, sur le pont d’Auteuil !… (Nouveau suraut.) Et l’autre soir, donc ! Oh !… Et puis, tiens… quelque chose encore qui me revient à propos de Gaby… Figure-toi, déjà, il y a un an, un jour où nous déjeunions chez Ledoyen, tout à coup… sans raison… il m’a lancé cette phrase…

(Elle agite ses mains fiévreuses avec volubilité.)
MAURICE, (l’interrompant avec force.)

Ne te torture donc pas !… C’est fait !… Et puis c’est fait !

LIANE, (la voix plus basse, les yeux fixes, roulée dans son manteau.)

Il y a certains détails qui ne devraient pas permettre qu’on se trompe, pourtant… des choses abominables… Il n’y a pas quinze jours, il est entré dans ma chambre à une heure du matin… il croyait que je dormais… je n’ai pas bougé… exprès… je faisais semblant. Alors, il s’est assis, il m’a regardée… il m’a regardée dormir… À travers les cils, je voyais son expression de regard… C’était terrible… Je le lui ai dit plus tard. Sais-tu ce qu’il a répondu, ce qu’il a osé me répondre et que j’ai pris pour une plaisanterie ? Il m’a dit : « Eh bien, c’est peut-être le moment où je t’aimais le plus ! »