Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 8, 1922.djvu/209

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(Maurice a un bondissement de tout l’être. Il se retourne vers Rantz, et, dans un tremblement éperdu, il tend les poings comme s’il allait se jeter sur lui.) Allez-y donc ! Ne vous gênez pas !… Retroussez vos manches, comme monsieur votre père, pendant que vous y êtes ! Vos biceps blancs ne sont pas à la hauteur, mon garçon !… Vous ne voyez pas que je vous écraserais d’une chiquenaude !

MAURICE, (les larmes aux yeux.)

Ah ! c’est vous le misérable et le coquin…

(Il s’élance.)
RANTZ.

Allez-y donc !… (Les poings sur les hanches, calme et dédaigneux.) Frappez !… J’attends !

MAURICE, (a le bras levé sur Rantz, mais maintenant sans vigueur. La parole de Rantz l’a subitement dégrisé, et le mot qui lui a révélé sa naissance résonne encore sans doute à son oreille… Il mollit… L’œil perd son assurance… Il regarde autour de lui, comme s’il se sentait tout à coup gêné, petit, sans autorité… Il est là, hésitant, se raidissant de toute sa volonté pour reprendre pied, devant un abîme.)

Je ne sais plus ce que je fais !… Je suis fou !… La colère m’a emporté… J’ai voulu tout sauver et je sens que je viens de tout perdre ! (Il essuie son front du revers de la main.) Voyons, voyons… où en suis-je, mon Dieu ?… C’est que j’ai été tellement secoué ces jours-ci… Voyons, voyons, je n’y suis plus, moi ! Je vais à tort et à travers… je bats de l’aile !

RANTZ.

De l’aile !…

MAURICE, (a encore un dernier sursaut, mais il se laisse aller, lamentable, tassé contre le coin de la table.)

Je n’ai pas dit un mot de ce que je voulais vous