Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 8, 1922.djvu/253

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MAURICE, (décachette la lettre vivement. Il lit tout haut.)

« Adieu, Monsieur. Mon père m’a fait part de la nouvelle maison qu’il allait fonder, et de la nouvelle famille qu’il nous donnait. Je ne sais quelle place vous comptez y prendre, mais je sais une chose, c’est que ni de près, ni de loin, je ne veux, moi, en faire partie. C’est ce que je viens d’écrire à mon père et à votre mère elle-même. Quant à vous, Monsieur, je vous dois la plus grande désillusion de ma vie. Je ne vous en veux que de vous être cruellement servi de mon amour et de l’avoir mortifié d’une façon si affreuse ! Je ne vous en veux que de cela !… Le reste m’est égal ! Je vous aimais vous savez comment ! Je sors de là blessée, humiliée, mais fière encore ! Soyez heureux, Monsieur. La seule façon de vous prouver que je vous pardonne peut-être, c’est de vous annoncer que je vais désormais rester fidèle à la peine immense que vous m’avez faite, en refusant toute espèce de mariage. Je perds une illusion, en même temps que je perds une famille. Je voyagerai, je tâcherai de m’armer pour la vie, et j’aurai pour m’y fortifier, toute l’amertume de votre souvenir ! Soyez heureux de votre côté, c’est tout le mal que mon cœur vous souhaite. » — Nellie. (Avec émotion.) Pauvre fille !… Bah ! Elle aussi supportera le contre-coup ! Il en faut pour tout le monde ! Tirons chacun de notre côté. Bonne chance, Nellie ! (Il froisse rageusement la lettre, la met dans sa poche et court à la porte. Il crie.) Maman ! Maman !

RAYMOND, (gagnant l’autre porte.)

Et moi, mon vieux, je viens d’en avoir une avec le zouave ! Ah ! là, là ! Je te le donne en mille ! Tu ne sais pas ce qu’il a fait ?… Il m’a flanqué une gratification de cinq cents francs. J’en