Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 8, 1922.djvu/295

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sur lequel il n’y aura pas à revenir, je ne vais pas me frapper pour une démarche qui, au fond, commence à m’amuser énormément… (Elle les regarde en riant.) J’aime mieux vous dire que je vous trouve tous très rigolos… Ne faites pas cette tête, voyons ! Je ne vous en veux pas du tout ! Passez-moi plutôt une tasse de thé, je crève de faim… Vous pourriez bien m’inviter… Voyons… Fernand, dégrouille-toi un peu… C’est Arnould qui prenait du porto ? Il est exécrable, excuse-moi. C’est un vieux fond de cave.

(Elle est à la table, debout, servant le thé.)
ARNOULD.

Non, non, ce n’est pas moi qui bois ton porto. Je ne prends rien entre mes repas.

MADAME DE CHEVRIGNY.

Honorine, à mon tour, si vous me permettez de placer une parole…

HONORINE.

Vous ne vous en tirerez jamais avec une parole ! Passez-moi plutôt le sucre. Merci. Alors, comme ça, on veut me caser ! Eh bien, écoutez, c’est une sensation assez agréable au fond et qui me rajeunit terriblement ! Me voilà redevenue jeune fille… (Elle tourne la cuillère dans sa tasse.) Je vais me laisser doucement bercer à cette illusion de mes vingt ans. Vous êtes bien gentils vraiment de vous occuper de moi ! Allez, allez, parlez !… Je savoure ! Je ne vous trouve même pas assez nombreux. Vous auriez dû amener vos enfants, ils auraient donné leur avis !… (Lançant un œil furieux à Fernand.) Il est vrai qu’il y a Fernand ! car j’avoue que Fernand, ça, ça me paraît le bouquet !