Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 8, 1922.djvu/321

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pas de leur poser la plus petite question gênante. Malheureusement, tu as une fille…

HONORINE.

Je te prie… n’est-ce pas ?…

HENRIETTE.

Laisse-moi achever… une fille qui, non seulement accepte la société, mais a la plus grande hâte de se ranger sous sa loi. Alors ?… Ce jour-là, la société, autant elle était indulgente à celle qui vivait en dehors d’elle, autant elle devient rigoureuse pour celle qui veut prendre rang. Alors, elle se fait malotrue, la société, même grossière… elle pose des conditions et il n’y a rien d’étonnant qu’elle exige l’expiation des fautes qu’elle imagine qu’on a commises contre elle.

HONORINE.

On ne peut mieux dire !… Expiation n’est pas trop ! Je vois que tu te rends compte !

HENRIETTE.

Trouves-tu plus juste que ce soit moi qui la subisse, cette expiation ? Moi qui n’ai pas encore joui de la vie, moi qui suis innocente de tout, et qui devrai te faire, à vingt ans, le sacrifice de tout ce que je peux espérer de bonheur ? Voilà ce que je te prie d’envisager posément, ma petite chérie, sans colère facile qui coupe court à toute réponse je le reconnais, mais qui complique singulièrement les choses, au lieu de les simplifier. Il y a une situation de mère à fille, des responsabilités à endosser, une bonne fois pour toutes, qu’il faut que nous envisagions de front. Toute notre vie va en dépendre.

(Silence.)