Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 8, 1922.djvu/352

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JUSSIEUX.

Le fait est que je viens de sentir le sang m’affluer au visage !

HONORINE.

Vous allez vous remettre… Le temps que vos yeux s’habituent au nouvel aspect que je leur présente…

JUSSIEUX.

Oh ! ce n’est pas ça… Le temps, si vous voulez, de substituer dans la mémoire un cliché à un autre…

HONORINE.

Si vous avez un bon appareil photographique, un magasin qui fonctionne bien, ce sera l’affaire d’une minute.

JUSSIEUX.

Voilà, voilà !… C’est déjà fait.

HONORINE.

La plaque est descendue ? Interposée entre le souvenir et vos regards ?… C’est curieux comme on s’habitue vite, même aux choses désagréables !

JUSSIEUX.

Mais non, j’associe très bien le passé au présent !… C’est même cela qui est un peu hallucinant… Il y a dans votre figure des choses que je retrouve presque intactes… tenez, l’expression des yeux… et d’autres choses évidemment, qui n’ont plus aucun rapport… Oh ! ma chère amie ! comme c’est loin nous deux !… Comme ç’a été tendre, pourtant !…

HONORINE.

Hé oui ! Armand !… Vous êtes ce que j’ai le plus aimé au monde… C’est quelque chose, ça !