Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 8, 1922.djvu/358

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pas à me rappeler quoi que ce soit de mon existence passée !… Quand des arrière-goûts m’en reviennent… quand des souvenirs se mettent à passer là-bas… pan !… je n’hésite plus à tirer dessus comme sur des lapins !

HONORINE.

Quelle belle adolescence nous avons eue !…

JUSSIEUX.

Ah ! ça oui !… Quelle joie nous éprouverions à regarder notre enfance, sur l’écran !… Dites donc… Oh ! nous revoir en train d’allumer un fagot de bois ou de monter en barque !

HONORINE.

Je vous prie de croire que j’aimerais mieux ça que d’aller au cinéma voir les Mystères de Chicago.

JUSSIEUX.

Pour moi la fraction de temps qui va de l’enfance à la fin de la jeunesse de dix à vingt-quatre ans est grande comme ça. (Geste.) Le reste, petit comme ça… (Geste.) En somme, passé cet âge, on ne fait plus que vivre sur ses positions acquises. On croit vivre, on se continue.

HONORINE.

Ah ! vous aussi vous avez cette impression… Comme c’est curieux !… Tout le monde n’est pas de la sorte… Il y a des gens qui prétendent n’avoir pas gardé de souvenirs de leur enfance… J’ai des amis comme ça !

JUSSIEUX.

Moi aussi… mais ce sont des animaux.

HONORINE.

Figurez-vous que le présent ne m’intéresse ja-