Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 8, 1922.djvu/363

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JUSSIEUX.

Justement ! Il ne le faut pas !… C’est si émouvant de nous être retrouvés, même déformés par la vie !… Il ne faut maintenant plus nous perdre de vue… nous allons nous fréquenter beaucoup, beaucoup ! Que faites-vous dans l’existence ? Vous vous ennuyez peut-être… Moi, horriblement… Je reviens incompris dans la vie de Paris… Je ne retrouve plus aucun lien entre le moi d’autrefois et le moi de maintenant. Ce serait si bon de sentir au contraire une amitié profonde basée sur un passé commun… Que de motifs d’être heureux nous soulèverons à chaque pas…

HONORINE.

Mais quand vous aurez usé le souvenir, quand vous cesserez d’évoquer cette image, qu’il n’y aura plus d’association de sentiment… entre le passé et le présent… (Elle soupire.) Oh ! mon ami !… mon pauvre Armand… Dire que c’est nous, cela, hein ?… Comme c’est émouvant ces cinq minutes de notre vie… (Elle se lève.) Tenez, ce gant, prenez-le…

JUSSIEUX, (assis, prend le gant bêtement, sans comprendre.)

Oui… merci…

HONORINE.

Ce gant… démodé… c’est celui que je portais certain soir au bal de la Préfecture à Toulouse, un 1er juillet… je crois bien.

JUSSIEUX.

Oh ! oui… oui ! Je revois cela tout à coup.

HONORINE.

Ce gant, vous l’avez embrassé éperdument. J’avais juré, ce soir-là, de ne plus le remettre à mon