Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 8, 1922.djvu/370

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JUSSIEUX, (vivement.)

Mais vous ne pouvez pas, Mademoiselle, soupçonner à quel point ! Je suis peut-être le plus vieil ami de votre mère. J’ai assisté à son enfance ; alors, seul parmi vos relations, je puis ce soir rapprocher les images, les comparer. D’autant mieux que je viens justement de revoir votre mère, pour la première fois, depuis… vingt-sept ans.

HENRIETTE.

C’est un chiffre.

JUSSIEUX.

Quand je l’ai quittée, elle n’était pas beaucoup plus âgée que vous l’êtes maintenant !… Alors songez… Telle que je l’ai quittée, il y a vingt-sept ans, telle je vous retrouve tout à coup, comme une apparition !

HENRIETTE, (intéressée.)

Je lui ressemble vraiment tant que ça ?

JUSSIEUX.

Oh ! c’est-à-dire que ce sont plus des expressions que des traits ! Il y a des différences essentielles. Évidemment, si je vous avais vu grandir, si je vous avais rencontrée deux ou trois fois, cette ressemblance me frapperait moins, elle s’atténuerait. Mais pour le moment, Mademoiselle, je ne vous connais pas du tout ! Savais-je seulement exactement si votre mère avait un garçon ou une fille. Et tout à coup, au moment même où elle et moi nous reconstituions ce que le temps nous semblait avoir détruit à jamais… crac ! la porte s’ouvre… je lève les yeux !… Ma parole, il m’a semblé que j’avais un vertige, une espèce d’hallucination ! Et maintenant encore, tenez, près de ce