Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 8, 1922.djvu/384

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nous, depuis tout à l’heure, un personnage impalpable, un défunt mais dont je retrouve la trace, le reflet sur des visages… autour de moi… alors je vais de l’un à l’autre… un peu hagard… abasourdi.

HONORINE.

Mieux valait mille fois son anéantissement qu’une pareille résurrection ! Allez, vous mentez.

JUSSIEUX.

Non !

HONORINE.

Peut-être, en effet, un moment, enfiévré par le passé, avez-vous respiré ma beauté défunte dans les traits de ma fille, mais vous n’êtes tout de même pas un halluciné, mon cher, un inconscient !… À d’autres !… Et rien qu’à la façon dont vous promeniez vos lèvres sur le bras de cette enfant, à l’éclat de votre œil, j’ai reconnu le signe… le signe extraordinaire du désir, que l’on voit chez tous ces bellâtres, à quelque âge qu’ils en soient de leur vie cynique et obsédée !… Vous vous étiez bien dépeint vous-même, tout à l’heure… Brusque et brutal. Oui, comme ceux que la volupté ne lâche pas !… Il y avait aussi pour vous l’odeur de la chair fraîche… J’ai compris pourquoi ce parfum de rose blanche qui se dégageait de vous tout à l’heure… Professionnel de l’amour…

JUSSIEUX.

C’est faux, c’est faux ! Je m’insurge contre cette interprétation.

HONORINE.

Parce qu’elle est vraie !

JUSSIEUX.

Ah ! et puis, je dédaigne de me disculper !…