Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 9, 1922.djvu/151

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outre en haussant les épaules !… Or, suppose que cette affection, à de certaines heures, l’ait poussée à me demander quelques réconforts, des conseils. Suppose justement que ce soir, douloureuse, presque malade, elle ait voulu s’épancher, se réclamer d’une amitié ancienne, paternelle…

BLONDEL.

Assez ! Excuse inepte !

BOUGUET.

Alors, c’est sans doute que la vérité est difficile à reconnaître.

BLONDEL.

Non, elle n’est pas si difficile à reconnaître… car, subitement, en une seconde, on comprend tout, même si l’on a mis des mois ou des années à s’égarer et s’aveugler !… Je la démasque très bien maintenant, cette vérité-là… Dans les mots embrouillés que tu viens de prononcer je distingue ceci, en effet, et clairement : c’est que tu n’es pas son amant ! Ça, ce doit être vrai !

BOUGUET.

Tu vois bien !

BLONDEL.

Tu ne l’es plus, mais tu l’as été !… Pour la première fois, les mots te trahissent, Laurent. Les mots te trahissent… et ton visage, lui aussi, te trahit, ton visage de mensonge et d’hypocrisie, ta face d’orgueilleux féroce…

BOUGUET.

Ah ! en voilà assez ! Je ne te permets pas d’en dire plus !… Du jour où j’ai connu, je ne dis pas ton amour, mais seulement, entends-tu, la naissance de ton affection pour elle, je me serais fait tuer plutôt que d’être auprès de cette enfant autre chose que son ami le plus réservé !