Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 9, 1922.djvu/212

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les cris de secours, sont arrivés. Talloires et les autres. Ils se glissent, un à un, en proie à la plus grande émotion. À Pravielle.) Fermez la porte. Fermez, voyons !

MADAME BOUGUET, (tout à coup, dans un sursaut extraordinaire.)

Non… Tous ! Tous, qu’ils entrent ! laissez-les !… (Ils entrent, les uns en blouse, les autres en veston.) Votre maître vient de mourir, Messieurs !… voyez voyez ! (Sur la pointe des pieds, tête nue, ils se sont avancés. Quelques-uns se mettent à genoux. On entend des sanglots de toutes parts.) C’est fini !… Ce beau front ne pensera plus… Ces lèvres ne parleront plus !…

(Elle défaille, presque extatique. Hervé la soutient. Pendant ce temps, un mouvement hostile à Blondel se produit. Certains vont jusqu’à le menacer, à voix basse. On le pousse.)
HERVÉ, (bas.)

Votre place n’est pas ici, Monsieur. Sortez…

TALLOIRES.

Oui… Qu’il sorte… l’assassin !…

(Blondel inerte, pleurant, ne répond pas. Il se laisse presque faire et pousser des épaules vers la porte.)
MADAME BOUGUET, (qui allait s’évanouir, se redresse et les arrête d’un geste solennel. Surhumaine, dressée en statue livide, elle parle.)

Messieurs… la dernière pensée de votre maître a été celle-ci : « Je vous lègue mon esprit et ma tâche ! » Il nous a dit, à Blondel et à moi : « Jurez que vous vous élèverez au-dessus des actes et de la haine… jurez que, unis par-delà ma mort, vous travaillerez ensemble à mon œuvre… » Il est mort, Messieurs, avant que j’aie pu le satisfaire !… (Tout le monde éclate en sanglots et se met à genoux. Elle