Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 9, 1922.djvu/305

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JULIEN, (l’interrompant.)

Je vous remercie d’y avoir pensé, mais c’est chimérique. Cet argent a besoin d’être versé ou plus exactement remboursé dans vingt-quatre ou quarante-huit heures. Une fois la faillite prononcée, ou les livres soumis au syndic…

FRÉDÉRIQUE.

Mais on trouve de l’argent en quarante-huit heures.

JULIEN.

On le trouve quand c’est vous qui le demandez… quand c’est vous qui l’offrez, car avouez votre générosité et votre mouvement spontanés ! C’est vous qui voulez m’avancer cette somme ? C’est vous qui voulez me sauver. Vous aurez beau éluder le mot, il faudra bien en venir là !… Je serai votre débiteur… Et voilà pourquoi c’est absolument inadmissible, et pourquoi je refuse !… Dans des situations désespérées, on a vu des gens accepter de l’argent de celles qui furent leurs maîtresses. L’acte est déjà laid, vil, mais deviendrait inqualifiable lorsqu’il s’agit d’une femme qui n’a pas été même votre maîtresse et dont on a causé le malheur !

FRÉDÉRIQUE, (se montant, s’exaltant.)

C’est plus beau que tout !… Alors, pour un honneur de convention morale, chevaleresque s’il en fut, vous préférez faire le malheur de votre femme légitime après avoir fait, vous l’avouez, le mien ? Vous préférez atteindre vos parents dans leur vieillesse, avouer une escroquerie dont vous pourriez vous libérer du même coup, vous préférez l’exil de France, la honte, vous préférez perdre votre réputation à jamais, après avoir