Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 9, 1922.djvu/379

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FRÉDÉRIQUE, (l’interrompant en souriant.)

Avec quelle cruauté tranquille vous parlez d’elle !… Ah ! on est bien certain que vous ne l’avez pas aimée, celle-là ! Et, comme tous les gens pressés d’être heureux, vous voulez croire avec un optimisme féroce au bonheur des autres ? Vous parlez comme celui qui a gravi un sommet dangereux et qui établit le bilan de sa victoire.

JULIEN.

Il faut bien finalement qu’il y ait toujours un vainqueur !… En toute sincérité, de ceux que nous laissons derrière nous, je ne vois d’intéressant que vos deux petits. Je vous le garantis encore, nous allons arranger au plus vite leur situation pour qu’ils soient à nous, bien à nous. Je comprends que votre cœur saigne… C’est la grosse inquiétude… Mais, ce soir, n’y pensons pas, voulez-vous ? Il ne faut pas que vous pleuriez ce soir…

FRÉDÉRIQUE.

Je ne pleure pas !… Je suis apaisée, détendue, au contraire !

JULIEN.

Imaginez l’émotion qui peut être la mienne ! Je n’ai vécu toute ma vie, toute, que pour aboutir à ce jour-là !… Vous avez été si cruelle dans vos refus, Frédérique !… Autrefois, ils étaient bien compréhensibles, je les ai respectés, subis… Mais maintenant depuis que nous vivons ensemble… l’énergie, l’obstination, avec laquelle vous vous êtes refusée me faisait même douter de votre amour !… Un jour tenez, lundi dernier, il m’a semblé vous sentir défaillir,… prête à vous