Page:Baudeau - Première Introduction à la philosophie économique.djvu/128

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porte inévitablement et sans cesse tous les hommes à se procurer leur bien-être personnel, à mettre en usage pour ce bien-être, tout ce qu’ils ont de facultés. Quoi ! Ces milliers d’hommes sont à vous, et ne sont pas à eux-mêmes ? Vous le croyez et vous le dites ? Mais sentez-vous leurs douleurs, sentez-vous leurs plaisirs ? Est-ce pour que vous puissiez voir, qu’ils ouvrent les yeux ; pour que vous entendiez, qu’ils prêtent l’oreille ; pour que vous digériez, qu’ils mangent ; pour que vous reposiez, qu’ils s’endorment ? Non. Eh bien, ne vous laissez donc plus dire, que leurs personnes, que leurs organes corporels, que leurs facultés intellectuelles ne leur sont pas propres à eux, que c’est à vous qu’en appartient la propriété : car c’est la plus folle comme la plus inique des absurdités. Nulle violence, quelque atroce, quelque perpétuelle que vous la supposiez, ne peut détruire la propriété personnelle de l’homme, ne peut empêcher que ses organes et ses facultés ne soient à lui. Ce ne sera jamais vous, quoique vous fassiez, qui aurez froid quand votre esclave se gelera, qui vous désaltérerez quand il boira, qui concevrez quand il réfléchira. Non seulement vous ne pouvez pas vous attribuer à vous-même sa propriété personnelle, mais encore par une suite nécessaire vous ne pouvez pas faire que son travail soit à vous ; car son travail n’est que l’usage ou l’application de ses facultés corporelles ou intellectuelles, et ses conceptions, ses volontés, ses actions, sont et seront toujours les siennes, non les vôtres. Tout votre pouvoir se réduit donc à l’empêcher d’user de sa propriété personnelle de la maniere qu’il sauroit, qu’il pourroit, qu’il voudroit le faire, ou à lui ravir le fruit du travail qu’il auroit accompli en usant de cette propriété. Vous ne détruisez donc point ses deux titres naturels, mais vous l’opprimez par violence, vous violez sa liberté, vous usurpez par force le droit de jouir, qui résulteroit en sa faveur de l’usage qu’il auroit fait de sa propriété personnelle : vous vous attribuez le fruit de son travail : oppression et usurpation, voilà tous les titres du despotisme arbitraire. Dès-lors toutes relations ne sont plus que d’attaque et de défense, que d’opposition et de guerre continuelle : c’est la force et l’adresse qui luttent sans cesse contre l’adresse et la force. L’analyse politique de ces etats les réduit à trois classes, savoir ;