Page:Baudeau - Première Introduction à la philosophie économique.djvu/199

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la douceur de la vie, la commodité de l’existence étant évidemment pour nous le résultat de mille et mille jouissances variées, dont les objets sont rassemblés des quatre coins de l’univers ; comment donc peut-on méconnoître l’unité d’intérêt qui lie nécessairement les nations les plus étrangeres ? Pour nous pénétrer de cette vérité précieuse, comparons ensemble deux peuples que la nature auroit constitués dans un état de ressemblance parfaite, et que le développement des arts caractéristiques des sociétés policées auroit entretenu dans cette égalité complette et absolue. Concevez maintenant que la premiere de ces deux nations vient de comprendre tout-à-coup, et de sentir vivement ce grand et sublime principe dont l’évidence est si frappante " que l’humanité toute entiere n’est sur la terre qu’une seule et grande famille divisée en plusieurs branches ; que l’intérêt de tous et l’intérêt de chacun est le même ; savoir, la multiplication progressive et continuelle des objets propres aux jouissances utiles ou agréables ; que pour tous, c’est crime ou délit de détruire ces objets de jouissances, de les empêcher de naître ; que pour tous, c’est bienfaisance et vertu d’en accroître la masse " . L’universalité de ce peuple étant pénétrée de ces maximes évidentes et fondamentales, nul peuple, nul sol, nulle production, nul travail n’est regardé comme étranger, dans le sens odieux que la politique destructive attache à ce mot. En effet, le commerce parfaitement libre y naturalise tout, et rien n’est plus évident que cette naturalisation. Considérez-vous le citoyen de cette sage et heureuse nation comme producteur, comme ouvrier façonneur, comme voiturier, comme négociant, ou comme consommateur ? écoutez ce qu’il vous dira. Si sous le nom d’étranger vous entendez un homme ennemi d’un autre homme, ou seulement un homme indifférent à l’autre, comment voulez vous me faire considérer comme étranger en ce sens, à moi propriétaire et cultivateur d’un vignoble qui fait mon patrimoine, l’homme quel qu’il puisse qui boit mon vin et qui le paie ? Comment voulez-vous me faire considérer comme ennemi, comme indifférent celui qui doit user ce meuble, ce vêtement, ce bijou dont la façon procure la subsistance et le bien-être de ma famille entiere ?