Page:Baudeau - Première Introduction à la philosophie économique.djvu/86

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confusion ? Où pouvez-vous trouver des chefs d’exploitations rurales, ayant le savoir, le pouvoir, le vouloir de faire prospérer les travaux de la culture ? Comment ferez-vous sortir cette race précieuse de fermiers riches, industrieux, zèlés et honnêtes, du milieu de ces esclaves sans cesse abrutis et dépouillés ? Vos serfs ont-ils les moyens, ont-ils le savoir, ont-ils un intérêt à perfectionner leur travail dont les fruits ne sont pas pour eux ?

Espérez-vous que l’art de varier les jouissances par l’assemblage des productions naturelles, par le façonnement des subsistances et des matieres premieres, fleurira sur votre territoire ? Où trouverez-vous des ouvriers, si vous attachez par violence à une chetive et pénible culture toute la postérité des malheureux que vous tyrannisez ? Les attendez-vous du dehors ? Mais quelques ga[157]rants pour leurs propriétés et leurs libertés que vous leur donniez, où sera le débit de leurs ouvrages, au milieu d’un Peuple dénué de tout ?

Quelle chimere plus absurde que l’idée de civiliser un Empire, en y laissant dans l’esclavage de la glebe tous les ouvriers de la culture ? C’est-à-dire, en y détruisant l’idée de la loi naturelle, de la justice fondamentale, pour y substituer la loi du plus fort, affreuse constitution qui met une chaine d’oppresseurs et d’opprimés, à la place d’une chaine de travaux bienfaisants et salutaires, qui se préparent et se succedent les uns aux autres.

Comment peut-on ignorer, que l’esclavage de la glebe ne sauroit jamais subsister dans un territoire, sans que les propriétaires fonciers, tyrans des ouvriers de culture, ne soient eux-mêmes les victimes nécessaires ou du despotisme arbitraire le plus absolu, ou de l’anar[158]chie la plus complette ; deux fléaux également destructeurs de tous les arts caractéristiques des sociétés policées et de la prospérité générale, qui ne peut résulter que des travaux de ces mêmes arts ?

Il est impossible que le maître d’un serf ait l’idée de l’autorité bienfaisante, dont les travaux augustes instruisent les hommes, protegent les propriétés et les libertés, préparent les travaux productifs et les travaux stériles, par de grandes avances qui en assurent le succès ; dont le but est d’exciter de plus en plus le savoir, la confiance, l’émulation, la sécurité, l’activité, le desir du plus grand bien-être.

Il est impossible qu’il n’attache pas à ce mot sacré, l’idée bar-