Page:Baudelaire - L'Art romantique 1869.djvu/196

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arts, par tous les objets pittoresques qui réjouissent les yeux et amusent l’esprit. Dans ce sens, il a vraiment innové ; il a fait dire au vers français plus qu’il n’avait dit jusqu’à présent ; il a su l’agrémenter de mille détails faisant lumière et saillie et ne nuisant pas à la coupe de l’ensemble ou à la silhouette générale. Sa poésie, à la fois majestueuse et précieuse, marche magnifiquement, comme les personnes de cour en grande toilette. C’est, du reste, le caractère de la vraie poésie d’avoir le flot régulier, comme les grands fleuves qui s’approchent de la mer, leur mort et leur infini, et d’éviter la précipitation et la saccade. La poésie lyrique s’élance, mais toujours d’un mouvement élastique et ondulé. Tout ce qui est brusque et cassé lui déplaît, et elle le renvoie au drame ou au roman de mœurs. Le poëte, dont nous aimons si passionnément le talent, connaît à fond ces grandes questions, et il l’a parfaitement prouvé en introduisant systématiquement et continuellement la majesté de l’alexandrin dans le vers octosyllabique (Émaux et camées). Là surtout apparaît tout le résultat qu’on peut obtenir par la fusion du double élément, peinture et musique, par la carrure de la mélodie, et par la pourpre régulière et symétrique d’une rime plus qu’exacte.

Rappellerai-je encore cette série de petits poëmes de quelques strophes, qui sont des intermèdes galants ou rêveurs et qui ressemblent, les uns à des sculptures, les autres à des fleurs, d’autres à des bijoux, mais tous revêtus d’une couleur plus fine ou plus bril-