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l’accompagnement permanent d’un orchestre, la voix profonde de la charité. Sous l’amant, on sent un père et un protecteur. Il ne s’agit pas ici de cette morale prêcheuse qui, par son air de pédanterie, par son ton didactique, peut gâter les plus beaux morceaux de poésie, mais d’une morale inspirée qui se glisse, invisible, dans la matière poétique, comme les fluides impondérables dans toute la machine du monde. La morale n’entre pas dans cet art à titre de but ; elle s’y mêle et s’y confond comme dans la vie elle-même. Le poëte est moraliste sans le vouloir, par abondance et plénitude de nature.


IV


L’excessif, l’immense, sont le domaine naturel de Victor Hugo ; il s’y meut comme dans son atmosphère natale. Le génie qu’il a de tout temps déployé dans la peinture de toute la monstruosité qui enveloppe l’homme est vraiment prodigieux. Mais c’est surtout dans ces dernières années qu’il a subi l’influence métaphysique qui s’exhale de toutes ces choses ; curiosité d’un Œdipe obsédé par d’innombrables Sphinx. Cependant qui ne se souvient de La pente de la rêverie, déjà si vieille de date ? Une grande partie de ses œuvres récentes semble le développement aussi régulier qu’énorme de la faculté qui a présidé à la génération de ce