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IV

THÉOPHILE GAUTIER




Le cri du sentiment est toujours absurde ; mais il est sublime, parce qu’il est absurde. Quia absurdum !

Que faut-il au républicain ?
Du cœur, du fer, un peu de pain !
Du cœur pour se venger[1],
Du fer pour l’étranger,
Et du pain pour ses frères !

Voilà ce que dit la Carmagnole ; voilà le cri absurde et sublime.

Désirez-vous, dans un autre ordre de sentiments, l’analogue exact ? Ouvrez Théophile Gautier : l’amante courageuse et ivre de son amour veut enlever l’amant, lâche, indécis, qui résiste et objecte que le désert est sans ombrage et sans eau, et la fuite pleine de dan-

  1. Variante : Pour le danger. — Pour se venger est plus dans le ton de ce chant, que Goethe aurait pu appeler, plus justement que la Marseillaise, l’hymne de la canaille.