Page:Baudelaire - L'Art romantique 1869.djvu/424

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fusion des esprits et de l’ignorance universelle. Nous étendrons un style nerveux, pittoresque, subtil, exact, sur un canevas banal. Nous enfermerons les sentiments les plus chauds et les plus bouillants dans l’aventure la plus triviale. Les paroles les plus solennelles, les plus décisives, s’échapperont des bouches les plus sottes.

« Quel est le terrain de sottise, le milieu le plus stupide, le plus productif en absurdités, le plus abondant en imbéciles intolérants ?

La province.

Quels y sont les acteurs les plus insupportables ?

Les petites gens qui s’agitent dans de petites fonctions dont l’exercice fausse leurs idées.

Quelle est la donnée la plus usée, la plus prostituée, l’orgue de Barbarie le plus éreinté ?

L’Adultère.

Je n’ai pas besoin, s’est dit le poëte, que mon héroïne soit une héroïne. Pourvu qu’elle soit suffisamment jolie, qu’elle ait des nerfs, de l’ambition, une aspiration irréfrénable vers un monde supérieur, elle sera intéressante. Le tour de force, d’ailleurs, sera plus noble, et notre pécheresse aura au moins ce mérite, — comparativement fort rare, — de se distinguer des fastueuses bavardes de l’époque qui nous a précédés.

Je n’ai pas besoin de me préoccuper du style, de l’arrangement pittoresque, de la description des milieux ; je possède toutes ces qualités à une puissance surabondante ; je marcherai appuyé sur l’analyse et la