Page:Baudelaire - Petits poèmes en prose 1868.djvu/243

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nous est dépeint comme le mentor le plus entêté du monde et le plus amoureux de sa propre volonté. Notre aventureux jeune homme prend un grand parti ; il fuira l’école. Il écrit à une charmante et excellente femme, une amie de famille sans doute, qui l’a tenu enfant sur ses genoux, pour lui demander cinq guinées. Une réponse pleine de grâce maternelle arrive bientôt, avec le double de la somme demandée. Sa bourse d’écolier contenait encore deux guinées, et douze guinées représentent une fortune infinie pour un enfant qui ne connaît pas les nécessités journalières de la vie. Il ne s’agit plus que d’exécuter la fuite. Le morceau suivant est un de ceux que je ne peux pas me résigner à abréger. Il est bon d’ailleurs que le lecteur puisse de temps en temps goûter par lui-même la manière pénétrante et féminine de l’auteur.

« Le docteur Johnson fait une observation fort juste (et pleine de sentiment, ce que malheureusement on ne peut pas dire de toutes ses observations), c’est que nous ne faisons jamais sciemment pour la dernière fois, sans une tristesse au cœur, ce que nous avons depuis longtemps accoutumance de faire. Je sentis profondément cette vérité, quand j’en vins à quitter un lieu que je n’aimais pas, et où je n’avais pas été heureux. Le soir qui précéda le jour où je devais le fuir pour jamais, j’entendis avec tristesse résonner dans la vieille et haute salle de la classe la prière du soir ; car je l’entendais pour la dernière fois ; et la nuit venue, quand on fit l’appel, mon nom ayant été,