Page:Baudelaire - Petits poèmes en prose 1868.djvu/430

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autant à manger qu’à boire. — La Fanfarlo aimait les viandes qui saignent et les vins qui charrient l’ivresse. — Du reste, elle ne se grisait jamais. — Tous deux professaient une estime sincère et profonde pour la truffe. — La truffe, cette végétation sourde et mystérieuse de Cybèle, cette maladie savoureuse qu’elle a cachée dans ses entrailles plus longtemps que le métal le plus précieux, cette exquise matière qui défie la science de l’agromane, comme l’or celle des Paracelse ; la truffe, qui fait la distinction du monde ancien et du moderne[1], et qui, avant un verre de Chio, a l’effet de plusieurs zéros après un chiffre.

Quant à la question des sauces, ragoûts et assaisonnements, question grave et qui demanderait un chapitre grave comme un feuilleton de science, je puis vous affirmer qu’ils étaient parfaitement d’accord, surtout sur la nécessité d’appeler toute la pharmacie de la nature au secours de la cuisine. Piments, poudres anglaises, safraniques, substances coloniales, poussières exotiques, tout leur eût semblé bon, voire le musc et l’encens. Si Cléopâtre vivait encore, je tiens pour certain qu’elle eût voulu accommoder des filets de bœuf ou de chevreuil avec des parfums d’Arabie. Certes, il est à déplorer que les cordons bleus d’à présent ne soient pas contraints par une loi particulière et voluptuaire à connaître les propriétés chimiques des

  1. Les truffes des Romains étaient blanches et d’une autre espèce.