Page:Baudelaire - Petits poèmes en prose 1868.djvu/436

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

pas son mari du danger ; que, du reste, elle était toute prête à fermer cette plaie saignante et à réparer à elle seule une imprudence commise à deux, etc., — et tout ce que peut suggérer de paroles mielleuses une ruse autorisée par la tendresse. — Elle pleurait et pleurait bien ; le feu éclairait ses larmes et son visage embelli par la douleur.

M. de Cosmelly ne dit pas un mot et sortit. Les hommes pris au trébuchet de leurs fautes n’aiment pas faire à la clémence une offrande de leurs remords. S’il alla chez la Fanfarlo, il y trouva sans doute des vestiges de désordre, des bouts de cigare et des feuilletons.

Un matin, Samuel fut réveillé par la voix mutine de la Fanfarlo, et leva lentement sa tête fatiguée de l’oreiller où elle reposait, pour lire une lettre qu’elle lui remit :

« Merci, monsieur, mille fois merci ; mon bonheur et ma reconnaissance vous seront comptés dans un meilleur monde. J’accepte. Je reprends mon mari de vos mains, et je l’emporte ce soir à notre terre de C***, où je vais retrouver la santé et la vie que je vous dois. Recevez, monsieur, la promesse d’une amitié éternelle. Je vous ai toujours cru trop honnête homme pour ne pas préférer une amitié de plus à toute autre récompense. »

Samuel, vautré sur de la dentelle et appuyé sur une des plus fraîches et des plus belles épaules qu’on pût voir, sentit vaguement qu’il était joué, et eut quelque peine à rassembler dans sa mémoire les éléments de l’intrigue dont il avait amené le dénoûment ; mais il